Innovation pédagogique et feel good management

Innovation pédagogique et feel good management

 

Ce texte vise à étudier certains aspects des relations entre pédagogie et management en particulier depuis les années 2010.

 

Management de la pédagogique et pédagogie du management

 

- Management de la pédagogique : sous-domaine du management public qui s’intéresse à la manière dont on peut rendre le système scolaire plus efficace (relativement à un calcul coût/avantage). La notion même de management public suppose l'introduction dans la fonction publique de logiques de gestion qui ont été élaborées selon la logique du secteur privé.

 

- La pédagogie du management : Le management peut avoir recours à des procédés issus de la pédagogie pour améliorer son efficacité. Cela est d'autant plus le cas qu'il existe des sources communes : dynamique de groupes, psychologie humaniste et psychologie positive...

 

Quelques jalons d'une histoire des relations entre pédagogie et management

 

Herbert Spencer, à la fin du XIXe siècle, est un des grands théoriciens du libéralisme économique. Mais, il est également un penseur de l'éducation. Il soutient que l'enfant est mu par le plaisir et cherche à éviter la souffrance : c'est la base anthropologique de l'homo economicus. De fait, l'éducation doit tenir compte de cette anthropologie. C'est pourquoi le jeu doit être une méthode éducative privilégiée.

 

Edmond Demoulin fonde en France, en 1899, l'Ecole des roches. Il prône une éducation nouvelle inspirée de nouveaux modèles qui émergent en Angleterre. Il considère que la puissance économique anglaise est également liée aux transformation éducatives appliquées à l'élite bourgeoise. Il s'agit en particulier de favoriser les capacités d'autonomie, de responsabilité et décision des élèves afin de développer chez eux la psychologie de l'entrepreneur.

 

Kurt Lewin étudie la dynamique des groupes restreints. Il met en évidence que les méthodes les plus efficaces pour convaincre un groupe ne sont ni celles qui s'appuient sur un leader autoritaire, ni celles qui s'appuient sur un leader laxiste, mais démocratique. Ses théories sont reprises aussi bien dans le management d'entreprise, qu'en pédagogie, avec la pédagogie institutionnelle.

 

Les psychologies humanistes, d'Abraham Maslow et de Carl Rogers, vont connaître également une application aussi bien en pédagogie qu'en management des entreprises. En pédagogie, la psychologie humaniste met en avant l'écoute empathique et les motivations intrinsèques des apprenants. La psychologie humaniste favorise l'introduction du « développement personnel » dans le management. C'est aujourd'hui la psychologie positive, alliée pour partie avec les neurosciences, qui a pris le relais dans cette interaction entre pédagogie et management.

 

Innovations pédagogiques et renouveau managérial

 

On assiste depuis le début des années 2010 à l'introduction ou au renouveau de nouvelles thématiques communes en éducation et en management des entreprises. L'introduction de nouvelles thématiques dans le management tient à plusieurs raisons : la médiatisation des thématiques liées à la souffrance au travail, l'efficacité de l'happy management dans des entreprises leader dans leur secteur, l’émergence de forme économiques liées à l'entreprenariat social et à l'économie collaboratif, l'importance des théories sur la croissance endogène et le capitalisme de l'innovation, la place pris par les travaux issus des neurosciences et de la psychologie positive...

 

- Donner du sens :

Le monde scolaire est passé d'une école de la restitution à une école de la compréhension. On demande aux élèves non pas seulement de restituer, mais de comprendre. De ce fait, les enseignants reçoivent également comme injonction, afin de motiver les élèves, de donner du sens à ce qui est fait en classe. Les enseignants le comprennent souvent un peu restrictivement comme dire « à quoi cela sert dans la vie pratique ».

De ce fait, les manager retrouvent sur le marché du travail des salariés qui ont besoin de plus de sens pour s'impliquer. Il est de ce fait demandé aux managers de donner du sens à ce qu'ils font pour impliquer les salariés dans les objectifs de l'entreprise. Donner du sens est l'objet dans le management d'entreprise d'une analyse qui fait intervenir des niveaux variés impliquant à la fois des questions stratégiques et économiques, mais également des justification par les valeurs.

On peut donc remarquer ce fait paradoxal : alors que l'école est davantage porteuse de sens, elle forme peu les enseignants sur le sens à donner à l'école et aux savoirs scolaires.

Alors que la logique capitaliste est peu porteuse de sens (« accumuler, accumuler, c'est la loi et les prophètes »), les managers déploient des stratégies très élaborées de donation de sens.

 

- La bienveillance et le bien-être :

Aussi bien dans l'entreprise qu'à l'école, on assiste à l'introduction des thématiques liées à la bienveillance et au bien-être. La question du bien-être au travail a été introduite sous l'effet de la médiatisation des conséquences du management par les objectifs : stress au travail, harcèlement moral, burn-out, suicide au travail... Néanmoins, il faut noter que dans le domaine professionnel la logique de la bienveillance reste liée à celle de la performance. L'exigence en entreprise, c'est l'exigence de la performance des résultats.

A l'école, ce sont les thématiques de la phobie scolaire, du mal-être scolaire ou encore du harcèlement scolaire (« bullying »). Néanmoins, la bienveillance à l'école est également mis en balance avec l'exigence. En effet, il ne faudrait pas que la bienveillance conduise à ne plus faire entrer les élèves dans les apprentissages et à identifier ceux-ci à une source de mal-être en soi. En revanche, il n'est pas toujours nécessaire que l'entrée de l'élève dans les apprentissages se traduisent par le fait que l'élève soit le meilleur. Il peut suffire qu'il maîtrise les apprentissages attendus. L'association entre l'exigence scolaire et l'excellence définit comme la performance dans les résultats scolaires s'appelle l'élitisme scolaire.

 

- Travail en équipe et coopération :

Les courants socio-construictivistes et socio-cognitivistes des apprentissages mettent en avant que l'interaction sociale est une condition de possibilité de l'apprentissage. Certains courants pédagogiques, comme la pédagogie Freinet, ont mis en valeur l'importance de la coopération comme compétence sociale.

L'entreprise a fait de la capacité à travailler en équipe une compétence clef depuis plusieurs années. Mais l'introduction de la coopération est une thématique plus récente sous l'effet d'études qui tendent à montrer les avantages compétitifs des logiques de coopération. Cela est d'autant plus paradoxal qu'a priori la compétition et la coopération semblent antinomiques. Néanmoins, par exemple avec ce qu'on appelle la coopétition, il peut s’avérer plus efficace économiquement de coopérer pour deux concurrents économiques.

 

- Activité par projet :

Dans le monde de l'entreprise, le travail par projet est devenu une modalité de travail de plus en plus fréquente. Le projet est également une modalité mise en avant dans la pédagogie de manière à favoriser la motivation par la valeur de la tâche, l'interdisciplinarité ou encore le transfert des connaissances dans des tâches complexes et significatives.

 

- Confiance en soi et leaderschip :

La psychologie de la motivation scolaire a mis en lumière l'importance de la confiance en soi dans la réussite scolaire et en particulier du sentiment d'efficacité personnelle. Les enseignants sont donc invités à tenir compte de la confiance en soi et à la favoriser.

Dans le milieu de l'entreprise, faire carrière suppose d'être en capacité à assumer des fonctions décisionnelles et des responsabilités. Cela suppose donc d'avoir une forte confiance en soi pour s'imposer comme un leader.

 

- Les émotions : émpathie, etat de flow ...:

Les thématiques liées à la bienveillance et à la coopération font qu'il s'agit pour les managers de développer de nouvelles compétences comportementales. Parmi celles-ci, sous l'effet des neurosciences, figure l'empathie. C'est le cas en particulier dans le management émotionnel. L'état de flow (ou expérience optimale) est recherché comme facteur d'implication optimal au travail.

A l'école, l'empathie et l'expression des émotions positives est devenu un objectif pour développer les compétences sociales des élèves. Afin de favoriser la motivation des élèves, il s'agit également de s'appuyer sur la capacité de l'enseignant de favoriser l'état de flow (ou expérience d'implication optimale). Les compétences sociales émotionnelles et d'implication développées par les élèves pourront être ensuite transféré dans le domaine professionnel.

 

- Créativité et innovation :

La place prise par « l'économie créative », et de manière générale par l'innovation dans l'économie capitaliste des sociétés post-industrielles fait que l'une des compétences professionnelles les plus convoitée est la créativité, c'est à dire la capacité à innover et à résoudre des problèmes de manière originale.

De fait, le monde de l'entreprise, le MEDEF par exemple, attend de l'éducation nationale qu'elle forme des élèves et donc des futurs travailleurs capables non pas seulement de restituer et de comprendre, mais également de créativité.

 

- Compétences :

Plus que le diplôme, l'économie capitaliste actuelle entend s'appuyer sur des compétences : des savoirs-faire et des savoirs-être. En effet, les connaissances dans une société et une économie soumise à des changements accélérés seraient rapidement obsolètes. En outre, il est attendu que les travailleurs soient adaptables et pour cela ils doivent être en capacité de posséder des compétences transversales transférables.

C'est pourquoi, le monde économique actuel attend des enseignants qu'ils forment chez les élèves qui compétences qui les rendent employables sur le marché du travail.

 

- Différenciation pédagogique et individualisation des carrières :

Il est possible de constater que le MEDEF est favorable à une école qui différencie davantage la pédagogie et individualise davantage les parcours scolaires. En effet, la différenciation pédagogique est susceptible d'entrer en résonance avec l'individualisation des carrières dans le monde professionnel. En effet, plus les salariés se perçoivent dans une logique d'individualisation de leurs carrières, moins ils sont conduits à se considérer comme faisant partie d'un groupe de travailleurs pouvant avoir des revendications syndicales communes.

 

Quelques points d'achoppement entre pédagogie à l'école et logique du management en entreprise

 

Le milieu de l'entreprise se trouve confronté à plusieurs difficultés : augmenter la motivation et l'implication des salariés sans nécessairement augmenter les salaires, augmenter la performance sans conduire à la rupture psychologique.

 

- Motivation et reconnaissance

Dans le monde scolaire, l'enseignant doit essayer de faire appel aux motivations intrinsèques de l'élève pour développer en lui les capacités les plus puissantes d'apprentissage. Les motivations extrinsèque que sont la note ou le regard des parents et des enseignants sont des facteurs moins puissants. La note qui évalue les élèves peut avèrer donc être contre-productive pour la motivation à apprendre.

La note à l'école joue surtout un rôle dans le cadre d'une compétition scolaire élitiste : déterminer les meilleurs pour les faire accéder aux formations réservées à l'élite sociale.

Dans le milieu de l'entreprise, le manager tente de s'appuyer sur la motivation intrinsèque pour augmenter l'implication du salarié, mais également pour diminuer le poids de la motivation salariale (par l'argent). En effet, il est plus avantageux d'avoir un salarié motivé par le travail, que par la rémunération salariale que lui apporte son emploi.

Une autre forme de motivation passe par des motivations extrinsèques symboliques: il s'agit de motiver les salariés non pas en augmentant les salaires, mais par des reconnaissances symboliques de la part de l'encadrement.

 

- Evaluation et performance

Dans le monde de l'école et de l'entreprise, on procède à une évaluation des réalisations. Dans l'entreprise, cette évaluation est nécessairement liée à la performance. En effet, l'entreprise est soumise à une logique d'accumulation capitaliste qui fait qu'il est attendu que le salarié soit le plus performant possible.

Dans le monde scolaire, l'impératif de performance est moins central. Il peut être possible d'évaluer positivement l'effort de travail et pas seulement la performance. Il pourrait être possible également d'évaluer positivement des réalisations sans les mettre en compétition et les hiérarchisées entre elles.

 

Conclusion :

Si des méthodes peuvent être communes dans l'école et à l'entreprise, leur sens est différent. La pédagogie dans l'école peut être orientée vers le développement des capacités de l'élève et l'amélioration de la vie en société. Certes ces finalités peuvent être perverties par d'autres enjeux sociaux, en particulier économique, mais il n'est pas illusoire d'en faire des finalités de l'éducation en générale.

Dans le monde de l'entreprise, la finalité est tout autre : l'entreprise capitaliste en peut pas in fine être un espace de développement personnel – où seulement de manière accidentelle– car la finalité de l'entreprise c'est l'accumulation du profit pour le profit et donc l'optimisation de la performance du salarié. De fait, l'enjeu pour l'entreprise est de mettre à son service, les compétences que le salariés aura développé durant son éducation : compétence d'empathie, de coopération, de leadership, de résolution de problème, de créativité et d'innovation...

 

Exemples d'articles en ligne :

 

« Pourquoi le bien-être au travail est-il à la mode ? », 2015.

URL : http://www.blog-management.fr/2014/10/15/mode-du-bien-etre-au-travail/

 

« 25 mesures pour améliorer le bien-être au travail ». URL : http://business.lesechos.fr/directions-ressources-humaines/ressources-humaines/bien-etre-au-travail/25-mesures-pour-ameliorer-le-bien-etre-des-salaries-8221.php

 

« Le manager est responsable du bien-être de ses collaborateurs ». JDN, 2013. URL : http://www.journaldunet.com/management/expert/55500/le-manager-est-responsable-du-bien-etre-au-travail-de-ses-collaborateurs.shtml

 

« La pédagogie au service du management ».

URL :http://www.monde-economique.ch/fr/posts/view/la-p%C3%A9dagogie-au-service-du-management

 

« Manager par le sens ».

URL : http://www.management-public.com/newsletter/article/manager.intuitif.htm

 

Coste Dorina, « L'apport de l'art plastique dans la pédagogie d'une Ecole de Management. », Humanisme et Entreprise 2/2008 (n° 287) , p. 37-53 
URL : www.cairn.info/revue-humanisme-et-entreprise-2008-2-page-37.htm

 

Lapayre Nathalie, Une analyse critique du management par projet, Congrès AGRH, 2010.

URL: http://www.reims-ms.fr/agrh/docs/actes-agrh/pdf-des-actes/2010lapayre.pdf 

 

Pédagogie et employabilité:

 

Maurice Lemelin, "Le rôle de la pédagogie en vue d'améliorer l'employabilité des diplômés: le cas d'HEC Montreal", Université Gaston Berger de Montreal, 8-10 avril 2015. URL: http://www.cidegef.refer.org/prochaines/st_louis/conf%C3%A9rences/R%C3%A9sum%C3%A9%20conf%C3%A9rence_lemelin.pdf

 

Ratsimbazafy Claudine, « Modèle pédagogique et employabilité », INSCAE. URL : http://www.cidegef.refer.org/prochaines/kenitra/communications/RATSIMBAZAFY_INSCAE_Madagascar.pdf

 

Pédagogie et esprit d'entreprenariat:

 

Surlemont Bernard et Kearney Paul, Pédagogie et esprit d'entreprendre – Développer les capacités entrepreneuriales dès la classe - , De Boeck, 2009.

 

Caroline Verzat, Eduquer l'esprit d'entreprendre, Dossier de HDR, 2012. URL : http://www.entrepreneuriat.com/fileadmin/theses/HDR_Verzat_.pdf

 

 

Site Internet : APCE- URL : http://www.apce.com/pid190/espace-enseignant.html?espace=5

 

Annexe:

 

Sport et management 

 

Le monde du sport et de l'entreprise partagent des logiques communes. Le management s'appuie parfois sur les savoirs faire sportifs pour augmenter la performance en entreprise.

 

Mots clés : performance, motivation, compétition.

 

La sociologie critique du sport, Jean-Marie Brohm entre autre, a mis en valeur le lien entre la logique capitaliste et la logique sportive.

 

Le sport n'est pas n'importe quelle activité physique. Il s'agit d'une activité orientée vers la compétition (à la différence par exemple des arts martiaux traditionnels).

 

Le sport comme l'entreprise partage le culture de la performance. Comme l'entreprise, le sport implique la recherche d'une performance toujours plus élevé. Cette recherche toujours plus grande de la performance, encouragé par des intérêts économiques, conduit à la perversion des valeurs sportives affichées par le dopage. Ces pratiques mettent en danger l'intégrité physique des sportifs de haut niveau.

 

Liens :

 

Textes scientifiques :

 

Barbusse Béatrice, Sport et entreprise : des logiques convergentes ?, L'année sociologique, 2002. URL : http://www.cairn.info/revue-l-annee-sociologique-2002-2-page-391.htm

 

Dorville Christian, Sport et entreprise : entre connivence et résistance. URL : http://staps.univ-lille2.fr/fileadmin/user_upload/Doc_manif_colloque/sport_travail/axe1_dorville.pdf

 

Vernazobres Philippe, La contribution du coaching à la performance des entreprises. Colloque Coaching, Sport et Management 2006. URL : http://www.fredericdemarquet.com/sites/default/files/coaching_et_performance.pdf

 

Articles presse :

 

Sport et management d'entreprise : même combat ?, 2015.

URL : http://businessofeminin.com/feature/sport-management-dentreprise-meme-combat/

 

Le sport entre en jeu dans les entreprises, 2015. URL : http://www.leparisien.fr/informations/le-sport-entre-en-jeu-dans-l-entreprise-09-02-2015-4519119.php#xtref=https%3A%2F%2Fwww.google.fr%2F

 

Sport en entreprise : une première étude analyse son impact économique, 2015. URL : http://www.generalisation-2016.fr/article/sport-en-entreprise-une-premiere-etude-analyse-son-impact-economique,10551

 

 

 

 

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Animé par Irène Pereira

 

 

 

Professeur des Universités.

Philosophie et éthique

Sciences de l'éducation.